L’Observatoire – les ateliers écocitoyens de fondation
Après deux années (2022-2024) d’un travail collaboratif couronné par le prix de la recherche participative du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche de la République Française, le projet AirGeo laisse la place à l’Observatoire écocitoyen de la métropolisation et des pollutions dans la zone Sebikotane-Bargny-Diamniadio. Entre juillet et décembre 2024, un processus de concertation a permis l’instauration de cet Observatoire scellant dans la durée et sur même territoire un nouveau type d’alliance entre chercheurs, habitants, industriels et autorités. Retour sur les ateliers de fondation de l’Observatoire.
Le cadre du projet de l’Observatoire écocitoyen : pour de nouvelles alliances
Pour prolonger les alliances innovantes formées à l’occasion du projet AirGeo, l’Observatoire écocitoyen a été imaginé par Yann Philippe Tastevin comme une plateforme transdisciplinaire mise en place avec le soutien du Centre National pour la Recherche Scientifique français (CNRS) et de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) ayant pour objectif dans les cinq années de documenter les changements écologiques et sociaux survenant dans la région de Dakar. L’enjeu ici est de répondre à de fortes problématiques environnementales et sanitaires en instaurant des conditions propices à la recherche scientifique, à la création artistique et à la co-construction d’alliances entre communautés concernées, à travers une méthodologie qui s’invente sur le terrain.
L’Observatoire fait partie d’un réseau plus large en train de se former à l’initiative de l‘Institut écocitoyen de Fos-sur-Mer, entre zones urbaines et industrielles qui se posent les mêmes questions, ici au Sénégal, mais aussi en France, bientôt au Portugal et ailleurs.
Des ateliers de mise à œuvre : pour une gouvernance partagée
Dans la zone Sebikotane-Bargny-Diamniadio, le projet d’Observatoire répond à une préoccupation vive de pouvoir répondre à des situations sanitaires préoccupantes. Fruit d’une volonté commune entre chercheurs, artistes, habitants, élus et acteurs économiques, la création de l’Observatoire écocitoyen a posé des questions légitimes de gouvernance et de fonctionnement au vu de la diversité de ses acteurs : Quelles instances ? Quel fonctionnement ? Comment et à quelles conditions des préoccupations des habitants deviennent des questions de recherches ?
Entre juillet et décembre 2024, a été mis en place un processus de concertation pour concevoir collectivement cet Observatoire. Lors de trois ateliers, une trentaine de participant·e·s ont été à chaque fois impliqués dans la co-création d’un mode de gouvernance transparent, démocratique et représentatif de l’Observatoire, par lequel chaque acteur (citoyens, élus, autorités locales, ONG, acteurs économiques) a une voix et des prises de rôles possibles. Le déroulement des ateliers lui-même a été l’occasion de mettre en œuvre des mécanismes de prise de décision collective par consensus (cf. les ressources de l’Université du Nous), qui ont pu être adoptés grâce à la coordination d’Alexandre Gubert Lette et son équipe du Teranga Lab, et la facilitation de Seydina Mouhamadou Ndiaye, président du Collectif des Volontaires du Sénégal (CODEVS) et co-fondateur du Consortium Jeunesse Sénégal (CJS, Dakar). Un modérateur et un facilitateur, ont été désignés pour, entre autres, veiller à l’organisation matérielle, à l’animation et à la rédaction du compte rendu des travaux. Chaque séance a, en effet, donné lieu à la production de documents rédigés : les prises de notes assurées par Mouhamadou Mar du Teranga Lab et Élisabeth Sene, masterante à l’UCAD ont été reprise et synthétisées ensuite par Abedine Diagne et Serigne Mbacke Diop, membres fondateurs de l’Observatoire pour être validées par le groupe de travail enfin.
Ont participé à chaque atelier : Des habitant·e·s de Sebikotane, Diamniadio, Bargny, Toubab Dialaw, des chefs de quartiers, des Badjanu Gox, des des chercheurs, des représentants des usines (Someta), des médiateurs, des acteurs de théâtre-forum de la troupe Kër Gou Mag de Sebikotane, des conseiller·e·s municipaux, des porteurs de projets associatifs, des acteurs de la société civile.
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Le premier atelier “Raisons d’être, définitions et horizons de l’observatoire écocitoyen ?” s’est déroulé le 27 juillet 2024. Il a été l’occasion de faire en plénière le bilan du projet AirGeo, de revenir sur les modalités d’implication de chacune des parties concernées, de caractériser les fonctions possibles d’un Observatoire écocitoyen en présentant l’expérience-modèle de l’Institut écocitoyen de Fos-sur-Mer. Un consensus émerge alors pour adapter cette expérience enrichissante à Sebikotane, Diamniadio et Bargny. Après ce tour de table, deux groupes de travail ont été constitués pour permettre aux participants de procéder à des échanges approfondis sur la raison d’être d’un Observatoire écocitoyen à Sebikotane et ses alentours. Le premier groupe était chargé de caractériser les rôles possibles d’un Observatoire écocitoyen. Le deuxième groupe a étudié les modalités de mise en place dudit observatoire. Les discussions en groupe ont permis d’identifier l’ensemble des parties prenantes à inclure dans la gouvernance de l’Observatoire. Par la suite, une plénière, au cours de laquelle les différents groupes ont restitué leurs travaux, a permis d’échanger pour trouver ensemble le schéma organisationnel à mettre en place. Il a été finalement retenu de créer une structure assez souple permettant de recueillir, d’analyser et d’étudier des données d’enquêtes, de les stocker et de les partager, de formuler la conduite à tenir et de participer à la mise en œuvre des actions choisies pour répondre aux situations étudiées.
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Le deuxième atelier “Quelle gouvernance pour l’observatoire écocitoyen ?” a eu lieu du 5 octobre 2024. Tout en poursuivant les réflexions et discussions autour de la mise en place d’initiatives collectives pour lutter contre la pollution, la question de l’engagement citoyen au sein de l’Observatoire oriente l’atelier : Quel rôle ? Quelles instances ? Selon quelles modalités ? S’esquisse ici la mise en place des conseils (exécutif, citoyen et scientifique), la définition de leurs missions, le principe de leurs interactions : il s’agit de tracer les grandes lignes d’une feuille de route pour les actions à mener à moyen terme par l’Observatoire dans la zone de Sebikotane-Diamniadio-Bargny. Après l’ouverture de la séance par le modérateur, Alexandre Gubert-Lette, les participants se sont individuellement présentés et ont exprimé leurs attentes pour cette rencontre. Ensuite des groupes de travail ont été constitués autour des trois conseils qui constituent la gouvernance écocitoyenne. Ces groupes ont pour objectifs :
- de définir de façon participative la vision, les missions et les responsabilités pour chaque conseil,
- d’identifier leurs interactions et leurs synergies dans la gouvernance et le fonctionnement de l’Observatoire,
- d’élaborer une feuille de route pour les actions réalisables à court terme par l’Observatoire.
Après les travaux d’ateliers, il s’en est suivi une plénière de restitution des travaux. De nombreuses interventions, des questions et des demandes de clarification ont suivi chaque présentation, ce qui a été l’occasion d’ajuster la vision, les missions et les responsabilités de chaque conseil ainsi que le plan d’action à court terme.
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Le troisième atelier sur la gouvernance de l’Observatoire écocitoyen s’est tenu le 02 novembre 2024 au Centre Tadjabone de Sebikotane. L’objectif a été de mettre en place les trois Conseils retenus lors de la rencontre du 05 octobre 2024 et de définir leur mode de fonctionnement. Alors que les acteurs économiques du territoire ne s’étaient pas encore déplacés, les représentants de l’entreprise SOMETA ont rejoint cette séance et le facilitateur de l’atelier leur a fait un résumé des échanges. Après cela, Monsieur Kane, le responsable Qualité Hygiène Sécurité Environnement de la SOMETA, a pris la parole pour magnifier le travail effectué depuis les deux premiers ateliers. Il a ensuite rappelé que la SOMETA, dans le cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise, a toujours accompagné la population de Sebikotane et marque aujourd’hui encore sa disponibilité pour accompagner l’Observatoire.
Le travail de l’atelier a ensuite porté essentiellement sur la manière de répartir les membres de l’Observatoire dans les différents Conseils – étant donné leurs différentes fonctions sociales – et sur l’élaboration d’une feuille de route à court et moyen terme. Beaucoup d’intervenants ont, sur ce point, posé des questions de clarification ou formulé des propositions qui portent sur : Qui peut être membre d’un Conseil ? Est-il possible de s’inscrire sur deux Conseils à la fois ? Est-ce que l’appartenance à un Conseil doit être liée à la compétence et au statut de chaque membre de l’Observatoire ? Après échanges, il est ressorti que chaque membre de l’Observatoire doit s’inscrire dans un des Conseils, selon les compétences qu’il peut mettre au service du bon fonctionnement dudit conseil, qu’elles soient davantage scientifiques, communautaires ou diplomatiques.
A l’issue de trois ateliers, nous avons établi que cette alliance innovante serait composée de trois conseils : un conseil scientifique, un conseil citoyen et un conseil exécutif :
- le conseil scientifique, composé de chercheurs du CNRS, de l’UCAD et de chercheurs à l’international, est chargé de documenter la situation sanitaire et environnementale, par des processus de co-construction des enquêtes – du protocole aux résultats. Il s’agit, pour les chercheurs, de former des communautés d’observation, des communautés d’interprétation et des communautés d’action en réponse à la situation. Il s’agit de faire des sciences de manière novatrice, pour les mettre au service de la soutenabilité.
- le conseil citoyen est composé de personnes impliquées par la gestion des pollutions (dans et hors des usines), ayant en charge le relai des préoccupations des habitants sur la situation sanitaire et environnementale : ce conseil fera remonter les préoccupations des habitants, que ces préoccupations soient vitales (aux abords des usines), techniques (à l’intérieur des usines), ou administratives (sur la gestion du territoire). Il s’agit de prendre en considération tous les points de vue.
- le conseil exécutif sera chargé du bon fonctionnement de l’Observatoire et de l’instauration d’un dialogue de confiance entre les différentes parties prenantes. L’Observatoire Écocitoyen pour la Connaissance des Pollutions se propose comme un tiers de confiance offrant un espace de dialogue et un cadre de réflexion aux habitants et acteurs locaux confrontés aux problèmes environnementaux. Il s’agit de transformer les préoccupations en connaissances et les connaissances co-construites en réponses responsables et durables.
Ces trois conseils auront à leur charge, chacun avec ses compétences :
- d’assurer la vigilance, l’observation et l’alerte quant aux effets des pollutions sur la santé et l’environnement,
- d’assurer le progrès des connaissances sur les pollutions malgré toutes les incertitudes qui les entourent. Il s’agira d’accompagner les modalités de prévention des risques avérés et de co-construire les principes de précaution pour se prémunir de leurs effets potentiels.
- d’assurer la continuité des actions à mener, au niveau scientifique, administratif et communautaire dans les cinq années à venir.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
La rédaction (21 novembre 2024). L’Observatoire – les ateliers écocitoyens de fondation. AirGeo : l'air, la terre et des écorces. Consulté le 20 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13lix