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Avec les arbres / alliances en Mairie


Comment faire alliance avec les arbres ? A Sebikotane, la longue histoire de la forêt ressemble à celles de nombreuses histoires de forêts tropicales : lorsque les humains qui l’habitaient se retirent, les arbres se retirent aussi. Et si les arbres se retirent c’est tout un milieu de vie, toute une mémoire et toute une culture qui se retirent avec eux. Un milieu de vie pluriel, une mémoire plurielle et une culture plurielle – comme il y a une langue plurielle au Sénégal. Oui, la forêt pourrait se régénérer si seulement on s’alliait avec elle pour qu’elle trouve sa place dans le rythme effréné de l’urbanisation. Chronique d’une alliance en cours de formation. Dernière étape en date : alliances avec la mairie !


Histoires d’une forêt

La forêt de Sebikotane se recompose par touches, grâce aux travaux des historiens ayant travaillé sur la zone de Sebikotane, Pr. Mamadou Kandji, Ismaëla Ciss et Gana Fall, grâce aussi à la mémoire des anciens et des anciennes qui transmettent leurs souvenirs à qui veut bien les écouter, grâce encore aux cartes qu’on trouve aujourd’hui aux archives nationales du Sénégal ou à la Bibliothèque nationale de France à Paris, et grâce enfin à la documentation conservée aux Archives nationales d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence (ANOM). Ce qui reste de la biodiversité sur place constitue aussi un témoignage de l’histoire – comme l’ont montré les travaux de Moustapha Bassimbé Sagna.

Jadis refuge pour les Sérères Safen au sud, aire de pâturages pour les Peules plus au nord, avec aires de maraîchages, bois sacrés, aires de battages et vergers mancagnes – s’est fait accaparer par le colon au début XXe siècle. Les cartes et les témoignages le rapportent : M. Mbaker l’avait privatisée pour ses plaisirs de chasse. Le service des Eaux et Forêts classe la forêt en 1949, mais c’était pour servir de terrain militaire, avec interdiction d’entrer. Aux Indépendances, Sebikotane a été intégrée à l’aire administrative de la région de Dakar par le Président Senghor pour la puissance mystique de ses arbres. Ceux qui restaient du moins. Aujourd’hui, après la percée de l’autoroute à péages et celle de la voie du TER, la forêt est une simple savane arbustive menacée par le réchauffement climatique et l’urbanisation, construite çà et là par des habitations illégales, déclassée pour être lotie en vue de loger les impactés du TER et nouveaux arrivants de Dakar. La forêt n’est plus que le souvenir d’elle-même. Or la forêt est nécessaire pour bien vivre à Sebikotane : pour respirer, cueillir, planter, récolter, se promener, pâturer, maraîcher…

Carte au 20.000e de Sebikotane, département de Rufisque (IGN, 1949)

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Chronique d’aujourd’hui

On s’en souvient, en décembre 2022, l’association GARAB a été fondée à Sebikotane pour porter le projet N’Doun. GARAB, pour Groupe d’Action pour la Régénération des Arbres et de la Biodiversité. En wolof, c’est aussi le nom de l’arbre et celui du remède. N’Doun, en sérère, c’est le nom du Ficus Niafalocarpa, cette belle plante endémique à croissance rapide dont on mange les fruits et utilise les écorces pour ses vertus médicinales.

Le 21 mai dernier 2024, lors du conseil municipal, les membres de l’association GARAB ont présenté au Maire de Sebikotane, M. Alioune Pouye, le projet  N’Doun d’un parc forestier communal pour mieux vivre à Sebikotane. La percée du TER était en cours, 100 hectares de la forêt classée avaient été déclassés par l’État, et 35 hectares avaient attribués à la commune pour son développement. L’urgence était bien sûr de reloger les impactés du TER, elle était aussi de prévoir des lotissements pour assurer l’extension urbaine de Sebikotane, où de nombreux Dakarois viennent déménager. Mais tout de monde sans arbres, sans forêt, sans verger, sans jardins, sans paysage où se promener ? Comment même y penser ?

Fin juin 2024, lors d’un second conseil convoqué spécialement à cet effet, le projet a été validé par le Maire et le conseil municipal. C’est dans une cuvette du quartier de Yeba qu’une parcelle de 6 hectares a été mise à disposition de l’association GARAB, qui aura pour mission d’y régénérer une partie de la forêt de Sebikotane. En plein pays Sérère Safen, donc, là où la forêt servait de refuge, au creux des collines où les eaux ruissèlent pendant l’hivernage. Les 6 hectares sont aujourd’hui bordés par une route lotie mais pas encore construite d’un côté et par une carrière de l’autre. La ville va vite, les arbres sont lents. Les alliances sont nécessaires.

Lors de l’hivernage 2024, deux premières étapes de reforestation symboliques ont eu lieu en présence du Maire, sous la direction technique et scientifique de Maximilien Pouye, membre fondateur de GARAB et technicien horticole ainsi que de Sana Sabaly, responsable de la pépinière de Fabrimetal.

Le 21 juillet 2024, une cinquantaine d’arbres ont été plantés à l’arrivée de la randonnée pédestre sur le site de Yeba, avec la participation citoyenne des populations de Sebikotane, du groupement de femmes et de l’ASC de Yeba, des jeunes du Centre Tadjabone, de la municipalité et des artistes performeurs Cléophée Moser et Mour Fall.

Le 4 août à l’occasion de la journée national du reboisement, deux cents arbres supplémentaires ont été plantés avec la participation du Maire Alioune Pouye, de ses adjoint.e.s, de M. Ibrahima Diouf, Sous-Préfet de Diamniadio, de son adjointe et du Service des Eaux et Forêts – de quoi officialiser le lancement du projet.

 

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Arbres plantés, alliances formées. C’est ainsi que des parcelles ont été attribuées aux arbres, nos voisins. La question maintenant : comment en prendre soin, de ces voisins, eux qui vont assurer la qualité de vie à Sebikotane ?


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
La rédaction (11 août 2024). Avec les arbres / alliances en Mairie. AirGeo : l'air, la terre et des écorces. Consulté le 20 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13oyz


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